La TDS de Cathy mercredi 28 aout 2019

Courmayeur, 4h du matin, je suis dans le sas de départ de la TDS à côté de David. Nous allons faire chacun notre course. C’est l’aboutissement de deux années compliquées. Après un 1er échec au tirage au sort en 2018, je suis finalement reçue pour la TDS 2019, nouvelle version : 145 km et 9100 m de D+. On disait de cette course qu’elle était la plus belle et la plus sauvage des épreuves de l’UTMB et c’était ma motivation première. Mais je n’avais pas prévu une surcharge de travail, des blessures à répétition, une perte de condition physique et de vitesse (déjà que !!!!) et une certaine lassitude. J’ai fait quelques courses de préparation me permettant de varier les circuits (je pense connaitre tous les cailloux des trois becs) mais elles non plus ne m’ont pas fait gagner en sérénité : entre les erreurs de circuits, les barrières et les puces non fonctionnelles, je me dis que j’ai peut être fait une erreur en prenant la direction de Chamonix
Je suis arrivée la veille dans un camping où David avait réussi à me bloquer une place. Cette arrivée était déjà un exploit au volant d’un vieux camping car loué pour l’occasion par Amélie inscrite sur l’OCC. Mais au moins la vitesse ne nous a pas stressé et nous nous sommes fait les bras sur un volant comme on n’en voit plus aujourd’hui. Il ne nous manquait que les tatouages.
L’organisation de ce grand moment de trail reste toujours magique et quelles que soient nos motivations, le moment du contrôle du sac, de la puce et du bracelet fixé au poignet nous font entrer dans un autre monde
Quelques heures de sommeil, levée à 1h après avoir entendu la pluie et l’orage qui finalement se calmeront lors du transfert à navette à Courmayeur où va donc être donné le départ
Je sais que je vais subir pendant près de 40h, que les barrières vont être serrées. Je sais aussi que j’appartiens à un club dont je suis fière, que mes amis se sont réveillés pour m’envoyer des sms en pleine nuit, que ma famille en fait autant, alors on y va, top départ
Deux km de plat sur du bitume (mais quelle horreur) et la 1ère montée de 1200 m jusqu’à l’arête du Mont Favre et une descente facile vers le lac Combal : km 16 et 30 min d’avance sur cette f. barrière mais je dois tenir les 50 premiers, d’abord jusqu’au col du petit Saint Bernard, 20 km et 1300 D+ supplémentaires (1h20 d’avance) où je retrouve Patrice qui m’a fait l’amitié de me suivre. Il aura été parfait car je crois avoir beaucoup râlé, du genre, je n’y arrive pas, trop dur, envie d’abandonner … Un regard attentif mais une absence de réponse et donc forcément je me calme toute seule. Il a parfaitement cerné le personnage
Je profite des quelques répits de plats depuis le départ pour lire tous ces sms d’encouragements qui aident tellement, ma sœur entre autre me donne toute son énergie (et elle en possède) pour me faire avancer, un challenge est en jeu
La descente vers Bourg Saint Maurice se solde par un magnifique râteau complété d’une crampe d’anthologie qui ont fait se précipiter à mes pieds tout un groupe de galants coureurs. Je suis restée à terre un peu plus longtemps que prévu tant il est difficile de retrouver un semblant de dignité les genoux enrobés et de la terre jusqu’aux sourcils. Je conserve quand même 1h30 d’avance avant d’attaquer l’un des gros morceaux, la montée au fort de la Platte 1200 m sur 5 km : une horreur, raide comme jamais, un horizon qui s’éloigne en permanence, des coureurs étendus tout au long de ce véritable chemin de croix. J’ai un principe, ne jamais m’arrêter sur une montée mais j’arrive au fort, les jambes vacillantes et des vertiges plein la tête. Je dois manquer de sucre car je prends très peu à chaque ravito. Station assise imposée, un petit lait concentré sucré et 5 min plus tard je repars pour 400 m de plus vers le col de la Forclaz et encore 400 vers le passeur de Pralognan. Je regrette d’avoir subi car je pense que c’est très beau mais là j’était au bout de ma vie, me traitant de tous les noms et plus encore. Pat doit s’attendre au pire. Une descente technique (manquait plus que ça) m’emmène au Cormet de Roselend km 67 où je réussi à garder 1h30 d’avance. Il m’en faut plus si je veux pouvoir me reposer un peu à Beaufort. Alors je ne traine pas, tenue nocturne, frontale en marche et j’enchaine avec une série de montagnes russes pendant 24 km se terminant par une descente inqualifiable, des racines, des cailloux, de la pente, mon plat préféré, je jure en non stop de façon très élégante et fort peu discrète, ça ne transforme pas le pourcentage mais ça soulage un peu. Cela me permet de gagner un peu de temps et c’est avec 3h15 d’avance que j’arrive à Beaufort, lieu d’assistance. Mais cette fois ci, j’abandonne, trop dur, je n’ai rien à prouver, je n’ai pas le niveau, pas l’entrainement…. Je fais défiler toutes ces bonnes raisons à un Pat toujours aussi imperturbable, cherche une couchette pour me mettre à horizontal et reprendre mes esprits et lui demande en même temps d’avoir la gentillesse de remplir mes gourdes, cherchez l’erreur !!!
La fin de nuit est proche, la montée sur Hauteluce puis le col du Joly me permettent quand même de découvrir le Beaufortin au lever de soleil, des pairies, des troupeaux et des cloches et une belle quiétude.
Après une descente encore infernale vers les Contamines, c’est le dernier gros morceau qui se profile : la montée au col du tricot par le chalet du truc, 1000 m en pleine chaleur. Au moment pile où j’atteins le sommet, je vois une jeune bénévole partir à toute allure vers le bas de la pente, c’est Noelly du club qui m’aura attendue en vain, trop dommage, je lui aurai bien fait un petit coucou mais pas trop le temps d’attendre. Je file (enfin tout est relatif) dans la descente qui mène aux Houches (non sans remonter avant à Bellevue, on ne sait jamais des fois qu’il manque un peu de déniv) et là je commence à avoir la gorge serrée car je crois finalement que je vais pouvoir boucler cette course. Je ne regarde pas trop les gens qui m’encouragent car j’ai les yeux pleins de larmes. Il me reste 8 km de plat jusqu’à Cham et son arche. J’y retrouverai Pat, Didier, Sev et Jéjé pour un dernier KM commun dans la rue principale blindée de monde où tous les spectateurs jouent le jeu et t’encouragent largement. Quant on a beaucoup subi, c’est un moment vraiment important. Je passe sous cette arche en 40h33.38 aidée une fois de plus par tout un club, ma famille et mes amis pour un nouveau moment de vie. Mais cette fois ci, juré, promis, jamais plus, j’arrête les ultras
😉