L’Echappée Belle 2022 de Cathy

Le trail de l’Echappée belle ou une histoire inachevée
Voilà près de trois ans sans récit. En 2019, c’était la TDS et la promesse d’un dernier ultra. C’était presque le monde d’avant. Mais ce qui n’a pas changé, c’est un groupe, des amis toujours présents et une envie irrépressible de partager des moments à la saveur unique. Alors quand des amoureux de ces aventures au long cours se retrouvent autour d’une bière, arrive ce qui devait arriver. On tope et on choisi un très beau parcours, une belle randonnée, promesse de paysages sublimes (oups), d’efforts intenses et de nuits interminables. C’est décidé, ce sera l’échappée belle, ses 149 km et 11400 de D+ et je ne résiste pas….
La chance nous sourit (quoi que…) : nous sommes tirés au sort. Un groupe de 10 avec Aziz, Chacha, Lio, JJ, Sylvain, David, Tony, Seb D, Seb G et moi-même (même pas peur). Plus tous ceux qui nous accompagnent lors de nos sorties longues : Krin, Eric, Douchka, Jéjé, Sev mais aussi Alain, Valentin, Mickael, Nico, David M et tant d’autres que j’oublie.
Je sais bien que je n’ai pas ou plus le niveau. Deux années de travail harassant, une condition physique inexistante et des blessures à répétition. Mais le plaisir de quelques sorties longues vaut toutes les douleurs du monde. La découverte des montagnes de Tony, Saou toujours en point de repère et Valcroissant, la course du club dans le Jura, Crest, les Drayes (quoi que…). Une canicule de trois mois ne nous fait pas perdre notre motivation.
Mais la confiance n’est pas là, la condition ne revient pas et le manque de temps disponible fait le reste. Il me manquera deux mois d’entrainement, une plaisanterie !
Tant pis, j’ai décidé, je prends le départ pour le plaisir de ce partage et on verra bien
Au final, sur ce grand parcours, nous serons 9, David a basculé sur le 60, et Valentin, Mickael et Nico s’aligneront sur le 80
Le grand jour arrive et le mauvais temps aussi. Je ne ferai jamais d’ultra sans nuage. Moi qui rêve de montagnes et de coucher de soleil, c’est encore raté
On se retrouve tous chez la sœur de Douchka, il fait encore bon pour un repas commun le soir. Je retrouve ces gestes qui nous font déjà entrer dans un autre monde : le contrôle des sacs, la préparation soigneuse de notre tenue, les ravitos (chacun sa barre, sa recette), le matériel obligatoire et ce partage : combien d’eau, sacs d’allégement, tenue de pluie exigée…Les suiveurs sans qui tout cela n’existerait pas ont étudié le parcours, les zones de ravito, les horaires. C’est une pression intense que de suivre, une véritable responsabilité et ils sont tous devenus de véritables pro. Rien que pour cette soirée là, je ne regrette pas mon choix. La nuit ce sont des déluges qui s’abattent sur Belledonne !!! Et cela continue au petit matin. Le lever à 4h, le départ pour Vizille et le choix de la tenue, ponchos pour certains ou sacs poubelle pour moi, j’ai rangé les lunettes, je crois qu’elles ne serviront pas
6h, top départ dans le froid, la nuit et sous la pluie. Il y a plus fun que ça et nous partons pour 48h au moins. Bref, je débranche et c’est parti, je ne vais me pencher sur mes sensations, de toutes façons elles sont absentes. Je vais essayer de me laver la tête et d’oublier un peu. Après quelques km, je retrouve une belle brochette (ils se reconnaitront) et finalement nous courons tous ensemble pour une petite partie roulante (la seule !!!) et très agréable, un moment privilégié. Le premier ravito arrive au 16 ème km et 1500 de D+ avec le foyer de fond d’Arselle et tous les amis plus Jean Pierre et Pascale qui se sont trouvés à côté du groupe, chacun dans l’attente de l’arrivée de Cathy. Bon je frime un peu avec un micro, je n’ai pas trop de retard sur le groupe, Aziz n’est pas au mieux, les autres vont bien et moi, je continue. La décision n’était pas si simple parce que là on repart pour une portion de 50 km jusqu’au Pleynet sans échappatoire possible. La pluie est toujours là, le brouillard s’invite et le vent aussi, on n’y voit rien, parfois on devine un lac aux contours écossais, quelques formes étranges, une ambiance hors du temps. Le col de la Botte et une descente vers le refuge de la Pra, un calvaire cette descente dans les rochers, les éboulis, la pluie, le froid, un vrai cauchemar et une probable hypoglycémie en plus, bref plus de jambe, plus de jus, extinction des feux…J’essaye de me refaire une santé au refuge où j’apprends que la croix de Belledone a disparu du programme, trop dangereux. Génial, je ne suis pas certaine que beaucoup de coureurs auront regretté. Nos suiveurs sont là, merci Alain, Eric, Didier, Richard, Bea, Souad, Chloé, Brian, Douchka, Chachaouette, Jean Philippe, Jerôme et Christelle, vous êtes exceptionnels. Un petit miracle, je retrouve un groupe de 4 avec Seb D Seb G, JJ et Tony. Je les suis à distance, toujours un peu en point de mire, je sais qu’ils sont là, solides et réconfortants, mes amis. Aziz est resté derrière, coup de froid, fatigue, j’espère que les sensations vont revenir car il a une condition exceptionnelle. Le refuge Jean Collet puis celui de Habert d’Aiguebelle, je discute avec un bénévole, en dépit d’un temps toujours aussi pourri, ils sont adorables, les ravitos sont au top. Merci à eux
Puis vient le col de la vache et l’enfer est arrivé. Rien n’était roulant jusqu’à maintenant, rien de plat, que du caillou bien gros (là où on laisse ses bâtons ou ses chevilles), bien mouillés les cailloux et plein de petits torrents partout. Mais ce col, une montée infernale de nuit dans des éboulis énormes, je ne tiens pas dessus, je me prends quelques gamelles, je n’ai tout simplement plus de cuisses, les jambes sont tétanisées. Au sommet, je m’abrite derrière un cairn et j’appelle Jean Pierre, mon ami, pour lui dire que j’abandonne au Pleynet. La descente est à l’image de la montée et l’arrivée au refuge précédée d’une boucle absurde qui tourne le dos au village que l’on voit et qui remonte. J’appelle Christelle pour lui demander de ne pas m’attendre, qu’elle aille se coucher. J’ai trop peur de craquer si elle me demande de continuer et clairement je n’ai pas la condition pour cette course, cela devient dangereux. Je ne verrai pas Karine et Nadia qui étaient là aussi ainsi qu’Eva qui ont attendu puis qui ont suivi Christelle (excusez moi encore). Au refuge, je retrouve mes 3 amis sous des plaids occupant les canapés du resto : et voilà, 5 abandons car Aziz a jeté l’éponge avant. Seul Seb G est reparti, Chacha est en tête, Lio le suit, Sylvain sans problème et Seb ferme le groupe que nous allons donc accompagner jusqu’au bout de cette aventure
Je suis tellement désolée de n’avoir pas pu me préparer, de ne pas être allée au bout, de n’avoir pas encouragé mes amis d’infortune pour les motiver. Un abandon c’est un échec quand il n’est pas motivé par une blessure ou une barrière. Cela fait partie du jeu mais c’est douloureux et frustrant.
On change de tenue et on renforce le groupe de suiveurs, accompagnateurs, masseurs, prévisionnistes météo, conseils en tout genre et il faudra bien toute cette énergie pour aller au bout mais ce sont aussi ces moments que nous recherchons et que nous aimons. Tenir malgré le manque de sommeil car nous ne sommes là que pour eux. Bon d’accord un peu aussi pour nous, c’est tellement bon d’être ensemble, on textote ferme, on calcule, on évalue, on suppute, les outils live sont assez peu précis et on essaye de ne pas oublier les apéros. J’ai aimé chaque moment passé avec vous tous. La fin se rapproche, Chacha en métronome, Lio qui bâche un peu, Sylvain en métronome n°2 et Seb qui remonte en continu au classement. Ils vont finir tous les 4 cette si belle aventure. Sur le 80 km, Nico et Mickael auront aussi franchi la ligne. Valentin et David ont gonflé le groupe des abandons. C’est sans doute la course la plus difficile techniquement, physiquement et mentalement.
Respect vraiment, une pointe d’envie c’est vrai mais surtout une véritable admiration pour votre parcours. Vous êtes allé la chercher, elle n’était pas donnée cette belle échappée