L’UTMB 2021 de Seb

LE SAINT GRAAL
Pour ceux qui me connaissent bien, vous savez que chaque ultra est un challenge par rapport à mes problèmes digestifs. Je ne compte plus le nombre de courses faites avec les maux de ventre avec ou sans vomissement.
Toutes ces courses à subir 80% du parcours, à me battre conte mon estomac pour enfin finir les 20 derniers kms presque en pleine forme. C’est d’ailleurs ce problème qui m’avait fait abandonner l’UTMB il y a 5 ans au bout de 30 kms au Contamine, 3 vomissements et plus rien ni de liquide ou solide dans le ventre.
A cette époque-là Christelle Chalopin, avait pris elle-même la décision de m’arracher le dossard car mon cerveau lui voulait continuer. Mais pour aller où ? Le secret des ultras c’est surtout deux choses : le mental et la nutrition, sans les deux vous n’arriverez pas au bout.
Après une analyse réelle du problème qui se déclenchait dès les débuts de course, alors qu’à l’entrainement je n’avais jamais aucun souci, on en a déduit que cela venait du phycologique, le stress de ne pas arriver au bout. Sur certains conseils j’ai essayé deux choses : l’acupuncture dans un premier temps où après deux séances on me dit que je n’ai aucun problème digestif et que tout fonctionne bien puis, dans un second temps, on me conseille de me tourner vers une hypnothérapeute qui elle va travailler sur la gestion de mon mental.
J’ai effectivement fait 3 séances chez Isabelle, une hypnothérapeute extraordinaire qui m’a mis en confiance des la 1ère séance et on a travaillé sur mon problème. Trois séances à revivre des émotions de courses et à beaucoup pleurer.
Suite à cette préparation mentale en plus de l’entrainement chaotique avec ce covid, le jour « J » arrive.
Départ de Chamonix le vendredi 17h30 pour Valentin et moi SAS 2 et avec JJ et Didier qui eux étaient dans le SAS 3 de 18h00. J’étais concentré et je me suis placé sur l’avant du groupe 2, j’en ai oublié mes potes (désolé les gars, c’est pas de moi ça).
17H15 devant la ligne de départ je suis concentré, motivé un petit coucou à Cathy ma coach de course, Chacha mon coéquipier de course qui n’a pas pu prendre le départ avec moi et seb le reporter de cet UTMB.
17h30 le départ est donné dans une ambiance digne de ce nom l’UTMB de Chamonix.
Dès le départ j’ai géré ma vitesse on en avait longuement parlé depuis 5 ans, à l’époque on était parti trop vite et trop confiant suite à la réussite de la diagonale des fous. Alors je gère, je trottine les 8kms de plats, maximum 10.5 km/h, ensuite je marche toutes les montées et me retiens en descente.
Passage aux Houches où ma femme et mes enfants commencent les encouragements, ça va ce n’est que le début.
Arrivé à st Gervais c’est la même chose, bonne gestion je suis bien dans les temps que JJ avait dit, autour de 40h. Là je retrouve mes supporters ainsi que la famille Hériau et la famille à Blain Richard.
C’est ici que 5 ans auparavant les soucis avaient vraiment commencé, là rien tout est au vert. Alors je déroule encore tranquillement, les gens me doublent pas mal, mais moi je gère, je m’en fous. Arrivé pratiquement aux Contamines Valentin me rattrape et me demande comment ça va, pour moi pas de jambes dans les montées mais sinon ça va et lui me réponds qu’il a la pêche. Je lui réponds « gère mon Val c’est long ». On arrive ensemble au 1er ravito avec assistance je mange une soupe, Cathy me demande comment ça va et je lui dit comme à Valentin, du tac au tac elle me répond « non mais Seb tu vas aller au bout…Oui oui Cathy je vais très bien je te dis juste que je n’ai pas les cuisses qui poussent c’est bizarre… » Sur ce stress de Cathy je repars et croise Seb le reporter qui me dit que Valentin est passé il y a 5 minutes, « quoi mais Nabila l’attend dans la tente pour son assistance ???? » Bizarre, il fait quoi le Val., je continue et déroule ma course. La nuit est là, les frontales allument ces montées interminables qui dessinent où on doit aller tout la hautttttt.
Je gère toujours, j’arrive à Chapieux où il y a un nouveau comité d’accueil Christelle, Stéphanie, Amélie et son chéri. Une bonne discussion et rigolade avec Amélie qui a tenu promesse de nous voir sur le parcours, merci Amélie ça coupe la nuit en deux. Elles me disent que Valentin est passé il y a 20 minutes, ok il va bien tant mieux. Je laisse mes amies et direction vers cette 2ème montée interminable, pour l’instant rien de dur mais c’est long, très long à monter.
Au sommet à +2565 il fait froid, pour moi le seul moment où la météo m’a perturbé un petit peu. Redescente dans les pierres calcaire, de nouveau c’est long, très long, mais je descends tranquille pas comme à mon habitude à fond…Le jour se lève sur le Lac Combal, je me pose au ravito et me transforme en JJ il y a 10 ans je prends des photos ??? Ce n’est pas moi, moi qui avant ne regardais rien et courrais de l’avant, je me mets à prendre plaisir au spectacle de la nature. Après quelques photos je repars vers Courmayeur où m’attend Cathy pour m’assister. Entre le lac Combal et Courmayeur je m’arrête deux fois pour encore prendre des photos et pour manger à Maison Vieille les pâtes que Cathy m’avait dit de manger là-haut en terrasse plutôt qu’en bas à Courmayeur. J’ai profité du beau temps et fait le plein. Descente technique dans la station de Courmayeur où soudainement j’entends un sifflement habituel, non ce n’est pas possible il ne devait pas pouvoir venir, c’est mon Tony mon compagnon de cordé qui a pu se libérer pour venir m’encourager. Ca fait très très chaud au cœur de retrouver son compagnon de course, celui avec qui habituellement vous courez ainsi que Chacha. Ces deux compagnons de 10 années de course qui pour cette course n’ont pas pu m’accompagner. Mais ils sont là tous les deux pour m’encourager à réussir cette édition seul. On continue la descente avec Tony à discuter du parcours et il m’annonce que Valentin ne va pas très bien. Bizarre apparemment je l’ai doublé mais je ne l’ai pas vu moi. Mince les boulles pour lui…
Je continue et d’un coup une rigolote apparait c’est la Karine qui devait venir me voir mais à la Fouly pas si tôt…Nadia est là aussi avec mon fils, que du bonheur de retrouver des têtes connues après 17h30 de course.
On arrive au ravito de Courmayeur et là c’est la déferlante jaune, tout le club est là et m’accueille comme un héros, j’ai la banane, je m’arrête et discute, discute c’est long tout seul sans parler….
Ravito vite fait je sors dans le stand des accompagnants, Cathy me masse devant une farandole de maillots jaunes. Entretien complet de la machine par Cathy, prêt à repartir, je rediscute et rigole bien avec tout le monde. Cathy me donne quelques conseils et descriptions pour la suite.
Puis je repars, franchement je monte tranquille, trottine les parties vallonnées et les descentes, je déroule mon rythme tranquille, les paysages somptueux passent, je me régale, je trottine ma sortie longue.
Les ravitos s’enchainent, j’avance sans aucun souci, je double beaucoup beaucoup de monde depuis le 45ème km d’ailleurs, j’ai l’impression d’être le meilleur hihihi heu sauf pour les ravitos où je prends mon temps…je discute avec les bénévoles aussi.
Voilà, dernière monté avant la Fouly le grand col Ferret apparemment si dur ???? Bof, moi j’ai pas trouvé. Sur le terrain personne ne m’a doublé, d’après les stats d’un point à un autre j ai perdu des places, je pense que je passe trop de temps aux ravitos…pas grave.
Bon par contre la descente de l’autre côté dur une éternité, j’ai cru que jamais je voyais la Fouly, Tony est revenu me chercher pour m’accompagner, on a rejoint les supporters au fur et à mesure jusqu’à la Fouly où de nouveau, comme à Courmayeur, la marais du club26allan est là. Chacha me prend dans ses bras, me félicite il a presque les larmes aux yeux, il me dit « seb c’est bon tu vas au bout, c’est sur là. »
La Fouly pour moi c’était un endroit stratégique, toutes les personnes que j’ai vu passer là étaient dans un salle état. En 2016 Chacha me pleurait dans les bras en me disant Seb c’est trop dur, Tony avait une petite mine, en 2018 Valentin abandonne ou barrière horaire je ne sais plus trop, en 2019 Jérôme et Séverine étaient au bout de leurs forces suite à un gros orage sur la tête au col Ferret. Donc je stressais de ma condition mais non, tout va bien pour moi, j’ai le sourire aux lèvres et je raconte encore même des conneries.
Après un arrêt rapide pour prendre plus le temps à Champex je repars et continue encore cette longue descente. Dans la remontée sur Champex, là je commence à prendre un léger coup de moins bien mais qui ne dure pas…Ah la machine commence à couiner un peu mais je déroule quand même.
Arrivé à Champex le Lac gros ravito, c’est le seul moment où j’ai eu une baisse de régime, je ne savais plus trop quoi manger, le mal de jambes commençait un peu mais Cathy me faisait grignoter, grignoter tout ce qu’elle trouvait sur le stand et dans son sac. Reparti pour la 2éme nuit, ah oui désolé Sylvain tu m’avais demandé de faire l’UTMB en une seule nuit hélas j’ai pas été assez rapide, il a fallut que tu me suives toute la 2éme nuit mince….hihihi
Cathy me décrit la suite et me dit « seb on prend les bosses une par une, on se voit environ toutes les 3 heures » ok c’est reparti.
Je repars en marchant au bord du lac avec un duvet autour de moi avec ma femme, mes enfants, Cathy, Nadia, Perrine, Richard, Tony, Sylvain et Seb. Cette dream team ne me lâchera plus jusqu’à l’arrivée merci, merci à eux dans le sommeil, le froid mais dans la bonne humeur.
Cette montée sera la seule vraiment où je me suis mis dans les jambes des autres coureurs et on a grignoté cette pente. Au sommet la redescente, là ça se complique, je n’ai plus de quadri, dur dur pour moi le descendeur, du coup je descends comme tout le monde en trottinant léger et en marchant. Je ne perds pas de place mais d’habitude j’en gagne.
Juste avant l’arrivée à Trient, de grosses marches en béton de 50 cm une tuerie pour les cuissots c’est super dur. Arrivé au ravito j’en parle à Cathy, elle me demande de mettre mon corsaire plutôt que mon short pour tenir les cuisses au chaud.
A la sortie du ravito j’ai la caisse, je me sens en forme et je lâche à tout le monde « bon on se retrouve à Valorcine, pas besoin de vous coucher, j’arrive », on rigole tous mais moi je pars au taquet. La montée fut grandiose pour moi un avion, j’ai beaucoup doublé, je gagne 55 places et encore j’en ai perdu en descente car là c’est mieux avec le cuissard mais pas parfait pour descendre.
Arrivé à Valorcine je retrouve Sylvain dans la fin de descente, il me dit qu’il a vite réveillé tout le monde car j’étais annoncé bien plus tard. J’ai la forme je me remets à manger un peu, franchement bouillon, ou bouillon de pâtes, compotes, quelques fruits secs de Cathy et un peu de lait concentré.
Voilà c’est la dernière partie, Cathy me fait la fin du topo avec Tony, ils calculent vite fait et Cathy s’inquiète que je batte son temps, là je comprends que c’est peut être pas moi qui perd du temps aux ravitos mais que c’est elle qui me ralenti…..non je déconne je passe mon temps à parler parler, j’en ai besoin je me fais chier depuis 150km, moi il me faut des amis pour courir et discuter. Voila c’est reparti pour la dernière partie, c’est gagné mais pas fini…
Avant la montée de la Tête aux vents je pose pour sylvain qui fait de belles photos, pour seb aussi qui passe son temps à me filmer et se déplacer pour me refilmer…je marche tranquille avec eux vers une victoire qui s’approche.
Ils me laissent grimper, s’en suit une partie pfffff comment dire, celle que j’adore en temps normal avec Tony. D’habitude on est des vrais cabris, un chemin étroit encaissé rempli de blocs mais là ce n’est pas la même. Mes douleurs aux cuisses s’aggravent vraiment j’ai du mal à descendre ces blocs, je suis même obligé de m’asseoir, pfffffff c’est douloureux, je n’en peux plus je m’arrête et téléphone à Cathy. Je lui dis « Cathy ne m’attendez pas »….elle me répond « quoi tu as un souci…oui je ne peux plus descendre… pourquoi tu as fait une chute … non je n’ai plus de cuisses… à cette vitesse il me faudra environ 8 h il me reste 10 km… » Cathy me dit « arrête-toi et fait des étirements ». J’écoute Cathy, ça va très légèrement mieux mais ce n’est pas çà…
Je continue dans la douleur jusqu’à la Flégère, je passe le ravito sans rien prendre ni eau ni nourriture je veux arriver, j’ai mal et ça va être long…J’appelle Nath, je lui dit qu’il me reste 8kms, j arrive doucement….
On m’a dit que je vous avais fait peur sur le 1er appel, mais je ne me voyais plus pouvoir descendre…désolé pour le stress.
Alors je descends doucement mais au bout de 500m je me dis non mais là ce n’est pas possible, je ne vais pas descendre comme ça, je me mets alors à trottiner en mode « j’encaisse la douleur », je regarde ma vitesse à la montre et j’inhibe ma douleur au cerveau. Il m’a fallut 10 minutes pour qu’à force de me dire tu n’as pas mal, mon cerveau zappe la douleur, je la ressentais mais elle ne m‘empêchait pas de courir à 9 ou 10km/h.
Je reprends le moral, je me vois descendre et même doubler , dans la douleur inhibée mais je descends.
Là je regarde ma montre et franchement je crois que je n’ai jamais regardé ma montre de toute la course, je vérifie les kms qui restent, je vérifie ma vitesse et je calcule mon temps d’arrivée.
Alors là, n’importe quoi, je pense à Cathy qui ne veut pas que je batte son temps mais qui était sure que j’allais le battre, je fais le décompte et je me dis que ça ne passera pas…chanceuse Cathy c’est la 1er course en 10 ans où je n’ai pas de jambes sur la fin et surtout en descente. Ce genre de chemin c’est mon terrain de jeux avec Tony, si j’avais mes jambes oups ton temps il était mort de mort, mais une course c’est du début jusqu’à la fin, hé bien j ai perdu, tu es la meilleur, place aux dames devant les hommes, respect Cathy.
Bon je continue mon chemin et je vois arriver en face de moi deux furieux qui montent à 100 à l’heure. Sylvain et Tony sont venus à ma rencontre. Il reste combien, 4 km c’est bon c’est la fin, dans la foulée, Karine et mon fils sont là aussi.
On continue à trottiner ensembles et discuter, je m’arrête même pour mettre un short, je ne veux pas passer la ligne en corsaire…en plus j’ai chaud.
La douleur est toujours dans mes quadri mais je cours avec eux, ils m’entrainent vers l’arrivée. Ça y est le plat, la ville, Chamonix et le centre ville, le bruit des gens, les applaudissements de toute la foule, pffff la pression monte, les supporters du club engagent le pas derrière moi, je cours, je vole, plus de douleurs, la délivrance est là, le saint graal depuis ces 5 ans d’attente. Le sourire aux lèvres je récupère avec mon fils ma femme et ma fille qui me rejoignent dans les 200 derniers mètres, on se prend la main, la foule hurle de joie pour nous, je lève les bras au ciel pour passer cette ligne mythique d’un défit hors normes. Tout le club hurle de joie c’est finiiiiiiiii Je suis FINISHER de l’UTMB.
J’ai enfin rejoint TONY et CHACHA sur le toit du monde du trail, mes deux compères de course qui m’ont fait pleurer 5 ans auparavant pour leur victoire à eux, cette course qui me manquait comparé à eux.
Bien sûr, d’autres du club Cathy et Fabrice l’ont déjà réussie et JJ, Valentin aussi maintenant sont avec moi sur ce toit, je ne les oublie pas mais quand on est habitué à courir ensemble et côte à côte le fait de voir l’un réussir et pas l’autre c’est difficile à vivre, maintenant c’est réparé…
Une course pour moi dans la joie et dans la bonne humeur je ne vais pas dire sans effort mais sans chercher la performance, une course où j’ai pris du plaisir à marcher, trottiner, courir, prendre des photos mais aussi papoter et avec vous dans les ravitaillements, comme certains ont dit « il ne fait que parler avec le sourire…. »
Mon but n’a jamais été le temps de course, ni battre Cathy, Fabrice, Chacha ou Tony, ce n’est pas moi ça. Mon but était de finir cette course et de rejoindre Tony et Chacha sur ce toit.
Comme toujours un CLUB26ALLAN au top du top, des supporters à fond dans l’épreuve comme les coureurs, du début jusqu’à la fin, debout dans la nuit et le froid pour nous mener au bout du Graal.
Je dédie cette course à ma femme et mes enfants qui m’ont soutenu pendant toutes ses années pour réussir cet exploit, qui ont toujours cru en moi alors que moi j’avais des doutes.
Je la dédie aussi à ma maman et mon papa qui n’ont pas pu venir voir mon exploit.
Je remercie tous mes supporters du CLUB26ALLAN, du direct et du net, famille, amies, amis, les collègues de boulot.
Une pensée pour Isabelle qui m’a permis de combattre mes démons et mes problèmes digestifs. Merci votre challenge à vous aussi est réussi.
Une grosse dédicace à CATHY toujours là pour moi, qui sait dire les bons conseils et les bonnes paroles au bon moment. « On a réussi ma CATHY. »
« JJ » mon ami d’enfance on l’a eu notre revanche, tu m’as poussé aussi à le faire, je n’étais pas toujours partant pour y retourner mais ta détermination m’a emmené avec toi, Merci.
Encore un grand MERCI à tous, j’espère vous avoir donné envie de vous surpasser.