L’UTMB de Cathy

Histoire d’une course
18h25, dans quelques minutes nous serons libérés…
Vendredi 1er septembre, je suis sur la ligne de départ de l’UTMB, une course mythique dont je rêvais sans trop oser y penser. Mais voilà, avec quelques trails longs validant de précieux points, un tirage au sort favorable et surtout le plaisir renouvelé depuis quelques années de partir sur de telles épreuves m’ont permis de cocher Chamonix, le tour du Mont Blanc, des sommets, des glaciers, des paysages somptueux, du dénivelé, des km… Nous serons trois à partir avec Tonton et Valentin.
Nous nous sommes entrainés chacun de notre côté et j’ai fait un pari pour ma prépa : type marathon en début d’année pour retrouver un peu de rythme et ressentir à nouveau les sensations douloureuses d’une course soutenue : contrat rempli à Madrid, je n’ai jamais eu aussi mal aux jambes. L’horreur…Et à partir de mai, le dénivelé avec les entrainements en semaine et les WE si souvent partagés avec mes amis du club: sortie longue du samedi et vélo l’après midi, rando course du dimanche de 4 à 8h. Une seule course avec Chacha et Jérome, quelques sorties longues et difficiles bien aidée par Seb , Isa, Amélie , Fab, la course confiance avec Chacha où je me sens en forme. J’espère ne pas avoir fait d’erreur en particulier sur l’absence totale ou presque de compétition mais je ne voulais pas rajouter de la fatigue. Bien entendu je doute, ces barrières, surtout les trois premières, mon rythme habituel un peu trop lent, une prépa que je juge insuffisante…
Je ne pars sur Cham que la veille de la course, je préfère rester dans ma bulle. L’œil rivé sur la météo montre que la canicule s’est échappée et j’arrive sous des trombes d’eau.  Récupération du dossard, Tonton et Valentin m’ont précédée. Je retrouve cette organisation exceptionnelle, toutes les nationalités se côtoient, des drapeaux flottent, les caméras filment en non stop, des coureurs bouclent la TDS couverts de boue, les premiers de l’OCC arrivent, les futurs UTMB paraissent déjà un peu détachés, l’esprit ailleurs quelque part sur le parcours. Le contrôle des sacs est drastique, la puce est fixée, le bracelet fermé au poignet, la tension est palpable, le silence règne
Le jour J, la pluie s’est arrêtée, Pat, Kiki et leurs filles, Labila nous entourent, Sev et Jérome qui ont proposé de me servir d’assistants vont me retrouver aux Condamines, c’est vraiment super sympa car passer deux nuits dans leur voiture à se geler, j’espère qu’ils ne vont pas trouver le temps trop long. La foule est immense, nous entrons tous les trois dans le SAS, serrés, osant à peine se regarder. J’ai les yeux humides et je ne suis pas la seule. Le speaker, les conseils de prudence, le dernier briefing, la musique qui vous prend à la gorge, les hélicos qui tournent, les spectateurs par centaines, de partout aux fenêtres, aux balcons, dernières poignées de main, nous ferons chacun notre course, 2 min, 1 min… Top départ, somptueux, une émotion impossible à décrire, je profite de ces quelques instants et puis je rentre dans ma course. Objectif, les Condamines au km 31 avec 1500 de D+ en 5h avec une heure d’avance sur la barrière comme prévu, le début était roulant. Il ne pleut pas mais il y a de la boue et du brouillard. Je retrouve Jérome et Sev mais je passe vite, j’ai des nausées et des douleurs abdominales depuis le départ donc je ne bois qu’aux ravito avec coca, thé et soupe, j’espère que cela suffira. Le temps d’une accolade et de quelques mots mais que c’est bon de vous voir, jérome me parle d’une surprise, je pense que c’est Fabienne, elle m’avait dit qu’elle monterait, Sev me dit qu’ils me retrouveront à Courmayeur. Je quitte le ravito et je reste clouée en entendant des hurlements, ce n’est pas possible : Pat, Kiki, Fab, Coline, Karine, Fabrice, Amélie, Chacha, Christelle, je tombe dans leurs bras, mais quel bonheur j’ai eu de vous voir, vous qui m’avez encouragée par SMS soit disant de votre maison jusque sur la ligne. Je ne m’arrête pas longtemps mais je repars gonflée à bloc, on se reverra à Courmayeur. La montée la plus longue vers le col de la Croix Bonhomme, il fait super froid, je ne sens plus mes mains, mes gants sont trop fins et les autres sont dans le sac. On n’y voit pas à un mètre, je tente de garder un bon rythme et je n’hésite pas à doubler. Les descentes sont faciles peu techniques et je me répète une règle, dès que je peux courir, je cours. J’arrive aux Chapieux, km 50, 3000 de D+ en 9h20, j’ai deux heures d’avance, je suis dans mes temps. J’ai décidé de m’asseoir 5 min mais j’entends une voix que je crois connaitre !!! Isa et GPS, ce n’est pas possible, eux aussi !!! Mais j’ai trop de chance, c’est une course magique, la fatigue disparait instantanément, je rajoute quelques couches, isa fait quelques pas avec moi et on papotte, génial, plein de bisous et je file dans la nuit, un sourire jusqu’aux oreilles. Col de la Seigne avec neige, froid et vent, lac Combal au lever du soleil et avec un ciel qui s’est déchiré et laisse entrevoir quelques sommets côté Italien, le terrain reste roulant, les montées sont vraiment raides, continues, soutenues, les descentes sont faciles. De temps en temps, je sors mon portable pour lire tous les sms d’encouragement. C’est tellement sympa. Au col Checroult, un refuge nous sert des pâtes, al dente, avec l’accent, au soleil, 5 min sur un banc mais surtout ne pas trainer, Courmayeur, c’est au bout d’une descente beaucoup moins cool, du style réservée aux bons descendeurs. Les Italiens nous doublent tout sautillants, les autres derrière moi râlent un peu « facile, facile, tu parles, quand on ne sait pas faire, ça vous fusille les cuisses ce genre de truc ». Tiens donc, je ne suis pas la seule, ca ne me fait pas descendre plus vite mais ca soulage !!!
Arrivée à Courmayeur , km 80, 4600 de D+ en un peu plus de 15h, accueillie par Fabrice et sa caméra, le soleil est là, la vie est belle. Sev m’attends avec le sac d’assistance que j’ai blindé d’un tas de trucs, résultat, je ne retrouve rien, je fiche tout par terre pour me changer et me mettre au sec, petit massage de Sev car j’ai les ischio en bétons depuis le départ, c’est vraiment top, j’avale quelques pâtes et je sors après au moins 45 min de pause, pas malin, j’ai perdu un peu trop de temps et je retrouve toute la dream team et la banderolle pour des encouragements d’un autre monde. Je regrette de ne pas avoir pris plus de temps pour vous parler, pour échanger, pour vous dire à quel point votre présence était précieuse.
Direction le refuge Bertone avec 700 de D+ que je monte au chrono en doublant sans arrêt pour une belle frayeur en arrivant et l’impression de n’avoir plus qu’une demi heure d’avance sur la barrière !!! Mais qu’est ce que j’ai fichu à Coumayeur, je suis vraiment trop c. Je repars en mettant les gazs pour Bonatti et en me traitant de tous les noms et je continue sur Arnouvaz que j’atteins avec 4h d’avance en un peu plus de 20h de course pour 97 km et 5800 de D+. Le gros morceau ; le grand col Ferret qui culmine à plus de 2500 m pour une montée de plus de 800m. Les conditions sont abominables : la pluie, le vent et le froid, on nous oblige à mettre le pantalon de pluie. Je quitte le ravito pour découvrir sous des ponchos, gelés sous la pluie, Jean Jacques, Nico et Mag, Krin, Didier, Richard, Patou et Nadine !!!! Encore aujourd’hui, je ne m’en suis pas remise, de vous voir tous tout au long de ces ravitos, ayant fait des heures de routes pour ces encouragements, cette course restera unique pour cela.
Le sommet était difficile, le vent de face avec la neige, le grésil, la pluie, le brouillard, je serre les dents et j’avance sans m’arrêter et puis la descente interminable jusqu’à la Fouly, 3h30 plus tard. J’y retrouverai mes amis avec la dernière arrivée Nadia, décidemment, j’aurai des surprises jusqu’au bout. Krin court un peu avec moi, Didier mitraille, Isa accompagne Nadia qui me dit que la météo cette fois ci c’est tout bon et 5 min après c’est le déluge, Nico fait des stops réguliers en voiture pour quelques mots de soutien, bref la Fouly passe très vite, la 2ème nuit est là et je file sur Champex. Mais il faut avant effectuer une montée de 300 m que j’avais complètement oubliée. Et là je panique persuadée de m’être trompée. Je demande à la cantonade si on va bien à Champex, pas de réponse, je demande au gars qui me suit : italien, comprend pas, à celui qui me précède, pareil. C’est pas possible, je n’entends pas parler français, je suis prête à faire demi tour, j’ai loupé Champex !!! Je finis par hurler : on va bien à Champex là !!! Une voix me répond tranquillement, « mais oui, pas de problème, suis nous, prends le rythme. » Le rythme, le rythme, suis tellement énervée que je le double sans le regarder.
Arrivée à Champex, je retrouve tout le monde, Sev et mon gros sac, J’ai mal au dos et un petit coup de fatigue mais ça va aller. J’apprends que je ne suis pas si mal classée dans ma catégorie !!! C’est parfaitement inattendu tout ça. J’avais dit : à Champex, c’est gagné. Bon d’accord mais j’ai encore près de 45 km et trois montées que je croyais faciles. Et bien pas du tout mais alors pas du tout. La boue est omniprésente, l’équilibre n’est pas parfait mais beaucoup de coureurs sont bien pires et marchent en titubant (les effets de deux nuits blanches), la montée interminable, la descente sans fin, Je perds du temps, le rythme n’est pas bon, Trient avec Isa et GPS, Fab et Karine, Vallorcine avec Nadia, Karine et Fab qui me fait un massage des pieds d’un autre monde, le petit jour glacial au col des Montets et Isa qui me file des chouchous, tout le groupe qui se prépare un petit dej dans un froid polaire, le ciel dégagé pour la montée à la flégère mais très vite la brume qui me cache ce Mont Blanc tant espéré, le sommet final à Plan Praz à 10h29 et la certitude de terminer, cette fois ci c’est bon, c’est gagné. Une belle descente jusqu’à Cham où je dépose deux féminines (on ne sait jamais !!!), le soleil qui vient vraiment et je cours avec les manches courtes du maillot du club pour la 1ere fois. Ils sont en bas, je le sais et je vais passer sous l’arche de cet UTMB avec mes amis, avec ceux qui sont là, qui sont repartis, qui auraient aimé venir, qui sont restés collés à leur tablette, à leur tél, avec ceux avec lesquels je partage ce sport, ces moments, ces sorties, cette partie de ma vie. Un groupe de jaune fluo court avec moi, Fabienne et puis Sev et puis Jérome, Chacha, Christelle, Didier, Karine, Fabrice, Isa, GPS, Jean jacques, Nadia, Richard, Amélie, Pat, Kiki, Solene, Romane, Coline mais aussi Tonton, Valentin, Labila, la ligne en 41h10 . Merci