Le marathon de Paris 2019 de Marianne

14 Avril 2019, 6h00.

La nuit a été courte, l’endormissement difficile mais j’ai l’impression d’avoir tout de même dormi suffisamment profondément pour ne pas me sentir trop fatiguée quand le réveil sonne.
Après avoir été blessée et n’avoir pas pu prendre le départ du marathon de Madrid il y a 2 ans, c’est semi sereine que j’aborde la course aujourd’hui….
La préparation s’est plutôt bien déroulée, j’ai été studieuse et appliquée. J’ai même aimé les séances de piste les bons jours !!
Surtout, aucune blessure invalidante à déclarer et ça c’est déjà très bien !!
En revanche, ma performance au semi-marathon de la Grande Motte a été loin de me rassurer…je suis passée complètement à côté de ma course ce jour-là….

Bref, c’est parti pour les petits rituels d’avant course, culotte qui va bien, chaussettes fétiches, ravito perso etc…. Avec tout de même une petite nouveauté cette année. Je décide de partir avec mon petit Camel back pour pouvoir emporter 2 flasques de 500 remplies de potion magique.
D’habitude je me contentais de prendre l’eau des ravitos de course, mais j’ai tellement été échaudée par ce semi de La grande Motte au cours duquel je pense ne pas avoir assez bu que ça me rassure de partir comme ça.
Pourtant les températures annoncées sont plus que fraîches ce 14 avril, peut-être que ça ne se justifie pas…j’hésite un peu et je me dis que non, je ne vais pas changer d’avis maintenant.
On s’habille, ça sera sous couche fine/t-shirt/jupette pour moi et tranquillement on se dirige vers le départ.
Départ qui se fait par SAS avec horaire cette fois, Arnaud à la chance de retrouver Patrick et ils entrent dans leur SAS de 3H15.
Je me retrouve seule, je rentre aussi dans mon SAS et je cherche désespérément Carine, nous sommes toutes les deux dans celui de 3H30 et j’avais espoir de la retrouver.
Quel sentiment étrange…Quelle solitude !!!! Les émotions se bousculent, l’impatience du départ…l’ambiance……la peur…l’appréhension……la joie…j’aurais tellement voulu partager ça avec quelqu’un !!!!
Les yeux mouillent, je reprends le contrôle, faut pas que je me laisse déborder !!!
Petite séance d’échauffement sur une musique rythmée et la ligne de départ s’approche…ça y est mon sas est lancé, j’enclenche la Garmin .

Alors forcément ça part vite, je suis dans un SAS plus rapide que mon allure mais cela me convient parfaitement, d’entrée il y a du rythme. Aucun problème à être doublée, il y a largement la place et psychologiquement ça ne dérange pas du tout (l’habitude surement).
Je suis ici pour faire ma course et surtout je sais que je suis parfaitement capable de contrôler et maintenir mon allure sans me laisser embarquer.
Il fait beau, la température un peu fraîche est idéale pour moi, je suis bien. Je profite.

Concorde…je surveille l’allure et met parfois le frein à main, Vendôme et Opéra, les nouveautés 2019, ça passe.
Une petite tape sur l’épaule, c’est Séverine qui me rattrape, ça fait du bien de voir du Jaune !!! Quelques mots échangés, je la trouve bien en forme et chacun reprend son rythme.

Bastille…c’est le moment de manger quelque chose, je ne m’arrête pas au ravito mais je grignote un petit morceau de pâte de fruit. La montée de Reuilly et je passe les 10kms en 57’30.

Ok, maintenant j’attends Vincennes, il y a eu une année ou ça avait commencé à se compliquer dès cet endroit……j’anticipe mon coup de moins bien habituel du 13ème en m’hydratant régulièrement et je grignote un petit bonbon gel.
On traverse le vallonné bois de Vincennes, ça passe sans problème.

Ok, maintenant j’attends le semi, je suis plutôt bien, je surveille l’allure, je me freine même assez régulièrement, l’objectif est d’être en forme pour attaquer la deuxième partie de course qui, je le sais, est un peu plus exigeante.

Ravito du 18ème, je décide de prendre une bouteille, j’ai envie de changer de ma potion magique et de boire de l’eau. Après quelques gorgées je m’en débarrasse, du moins j’essaie. Je me concentre, je vise le conteneur, je le rate…. Gros fail !!! La bouteille à moitié pleine vient frapper la portière d’une voiture garée juste derrière la benne. MERDE !!! Je suis vachement gênée mais je ne vais pas m’arrêter faire un constat…Un coureur devant mon désarroi me dit « bien fait pour sa gueule il avait qu’à pas garer sa caisse ici ce con ! » Ah…OK…vu comme ça effectivement…

2h00 de course je bipe au semi.
OK, la course commence, je fais l’état des lieux.
Jambes ✔️
Hydratation✔️
Alimentation ✔️
Tête ✔️

Tous les voyants sont au vert , allons en découdre avec Paris !!!

On aborde la partie tranquille avant de descendre sur les quais, je jette un œil sur la montre, allure 11,5 km/h……..POPOPO faut que je me détende du  là !!! Freinage d’urgence et je rétrograde, non mais qu’est-ce qui m’a pris ??? Le pire c’est que je me sens super bien mais je sais à quel point il faut être humble face au marathon, que ça risque bien de me revenir direct dans la à un moment donné cette période d’euphorie !!!

25ème, je continue mon bonhomme de chemin, je me sens bien, sur ces quais une année j’avais déjà envie de me jeter dans la Seine….
Je grignote encore une bricole et prends ma première sportenine.
Une pancarte attire mon attention, il est indiqué Notre Dame de Paris sur notre gauche.
Je tourne la tête mais n’arrive pas vraiment à l’apercevoir. Il me revient alors un souvenir charmant, d’un moment un peu hors du temps, d’une histoire d’amour débutante, d’une fin de soirée avec une promenade nocturne dans Paris ou nous nous étions arrêtés regarder Notre Dame….
Paris est toujours aussi magnifique et je me dis que si on peut, ça serait bien de venir la voir demain sans imaginer une seconde que ce jour-là elle partira en fumée….

Arrivent maintenant les tunnels et leurs successions de petites descentes et montées. Je gère bien, aucune remontée en marchant comme cela avait pu être le cas auparavant, ça passe même plutôt bien. Je vois que pour certains par contre ça commence à se compliquer…

27ème, ravito, je prends une bouteille d’eau. Je m’alimente toujours régulièrement, tout passe, je sens que l’eau aussi me fait du bien.
Ok, faut que je me débarrasse de ma bouteille maintenant, tachons de faire mieux que toute à l’heure.
Je choisis mon conteneur, un qui a l’air facile d’accès, j’examine les données de vitesse, poids de la bouteille, angulation du jet… E=1/2MV²… F=mg…Bref, je suis à deux doigts de faire une étude de fonction pour trouver la parabole parfaite….

MAINTENANT !!! Je lâche ma bouteille et admire sa trajectoire.
MINCE…ça s’annonce mal…elle n’ira pas dans la benne c’est sûr….
Au même moment de derrière la benne sort un gentil bénévole…tu la vois arriver la catastrophe là ou pas ????
Bordel de m……mais d’où il sort lui !!!!! Qu’est-ce qu’il fout là !!!!
Ma bouteille lui passe à 2cm de la tête, ouf…il n’est pas passé loin de la fracture du crâne lui !!! Le pire c’est que j’ai l’impression qu’il ne s’est rendu compte de rien….
OK, donc cet été panneau de basket dans le jardin et je m’entraine, voire ajouter basket dans la prochaine prépa marathon.

30ème, l’allure est bonne, les sensations aussi, finalement ça passe plutôt vite.
Les kilomètres continuent de défiler, 32ème, deux coureurs à coté de moi discutent, l’un dit à l’autre que c’est bon on a passé le mur, que rien ne peut plus arriver… Mouais…il reste 10 bornes, je ne serai pas aussi catégorique, ce n’est pas encore fait l’histoire quand même…

Un virage à droite et me voilà au pied de la dernière difficulté, la côte du 34ème.
Je lève les yeux et regarde au loin…. Je trouve que les coureurs sont bien haut là-bas…. Elle me fait un peu peur….

OK, de toute façon faut la passer, je me concentre et j’aborde le début tranquille, puis ça se redresse…ça se redresse encore…la foule est là, les gens nous encouragent, ça me porte et je suis émue. Je les remercie d’être là… et enfin au bout de 500m, je bascule sur le plat.
25m de dénivelé, ressenti 500….  J’ai l’impression d’être montée au vieux village d’Allan !!!

Ok, je laisse tourner les jambes pour récupérer avant de tenter une relance de Kenyan, punaise elle tabasse cette côte !!
L’allure baisse un peu mais reste dans la bonne fourchette, consciente d’avoir laissé quelques plumes derrière moi je m’alimente à nouveau, ça commence à être dur.

36ème, passage tout à l’ombre, le froid me tombe dessus. ❄️J’ai froid, j’ai très froid❄️, et puis j’ai une sensation très bizarre dans les jambes.
Mes jambes sont dures, et elles continuent à durcir, ça fait trop mal !!!
Je n’ai jamais connu ça avant, je ne sais pas quoi faire, je ne comprends pas ce qui se passe !! HELP !!! Je suis perdue !!!

A côté ça commence à marcher, les gens gémissent, je double un jeune homme qui est à 4 pattes, il ne peut plus bouger et interdit à son pote de le toucher, il est plein de crampes on dirait….
Les Crampes ???? Ça y est je viens de comprendre, cette sensation horrible et de jambes dures c’est ça !!! Je vais cramper !!!!  Pitié non pas ça !!!!
C’est l’inconnu pour moi, je ne sais pas quoi faire ! 
Je jette un œil sur la Garmin, je m’interdis de regarder le chrono, juste l’allure. Plus qu’un chiffre avant la virgule…… Je suis en train de me faire pulvériser, satelliser…dispersée façon puzzle (pour ceux qui connaissent leurs classiques), mais interdiction de marcher par contre, trop peur de ne pas pouvoir repartir.
J’ai mal, trop mal,  et j’ai froid, surtout aux jambes, ce n’est pas la chair de poule que je vois sur mes cuisses mais de vraies jambes de poulet, je pourrais finir panée chez KFC. 
Ça s’agite dans le ciboulot  je perds pied face à cette difficulté que je ne connais pas, tout se bouscule, je ne comprends pas, ce n’est pas juste, j’ai super bien géré hydratation et alimentation, j’ai encore du jus je le sens mais ça fait trop mal !!!
OK, stop, faut reprendre le contrôle. Je ferai l’analyse du match plus tard, là faut que je trouve une solution pour ne pas finir agonisante à ne plus pouvoir avancer à moins de 5 bornes de l’arrivée.

Je vais commencer par me débarrasser des 5 ou 6 personnes qui sont venues dans ma tête pour me donner leurs avis, tous différents bien évidemment et ça m’aide pas du tout bien au contraire (cours, marche, arrêtes-toi ça fait trop mal, continue, tu vas morfler, c’est quand que tu vas arrêter ces conneries de marathon… j’en passe et des meilleures), aller ouste tout le monde dehors !!!
J’essaie de retrouver mon centre…‍♀️depuis quelques mois je pratique le yoga, autant que ça me serve à quelque chose, j’envoie ma respiration là où ça fait mal…Bon, au point où j’en suis faudrait qu’on soit 10 à respirer pour couvrir toutes les zones…
Je pose un pied après l’autre sans savoir si la prochaine foulée transformera ma douleur en vraie crampe, je suis à la limite à chaque pas, ça tire de partout. Je prends ma deuxième sportenine.
38ème, j’aperçois le dernier ravito, j’ai besoin d’un retour au calme.

Je décide d’aller jusqu’au bout du bout en courant, d’y prendre une bouteille d’eau et de marcher pendant 3 poubelles.
Poubelle 1….glouglouglou….la vache c’est dur….
Poubelle 2….glouglouglou….c’est très très dur…je culpabilise de marcher….
Poubelle 3….glouglou……qu’est-ce qu’elle est froide cette eau !!
Je jette ma bouteille, sans encombre cette fois, faut dire que je suis tellement près de la benne que je pourrais m’y mettre avec, ce n’est pas l’envie qui m’en manque d’ailleurs…
Aller, on a dit 3 poubelles et on repart. Je remets la machine en route.

OK, il semblerait que les sensations soient meilleures ou plutôt moins pire, je n’ai plus cette sensation de crampe imminente.
Les cuisses sont chargées mais ça, ça va, je connais. Et je sais exactement où aller chercher en moi pour trouver les ressources pour tenir.
Back to basics : c’est la tête qui commande, pas les jambes.
J’ai réussi à récupérer le mental maintenant je m’occupe des jambes.
Coup d’œil au Garmin, encore une fois je m’interdis de regarder le temps, je ne veux pas me mettre la pression sur une estimation de temps d’arrivée et avoir le cerveau ravagé.
Je me focalise sur la dernière ligne, 2 chiffres avant la virgule, cool, ça remonte. Finalement, l’arrêt au stand et marcher 30 mètres c’était peut-être un bon choix.
10,2….10,3…..ça remonte mais c’est pas encore l’allure souhaitée. P***** il me manque 0,2km/h !!! c’est que dalle, juste un petit vent dans le dos ….
OK, je n’arriverai pas à raccrocher, je comprends que maintenant la délivrance sera la ligne d’arrivée.

Tiens, j’ai mal au bide, ça aussi c’est nouveau, j’ai la chance de ne pas être sujette aux problèmes digestifs en course…j’ai super mal, j’ai des spasmes de partout. Je ne vais quand même pas m’arrêter pour….
Alors tu préfères des jambes en bois au 38ème ou perdre toute dignité au 40ème et faire tes besoins au bois de Boulogne devant tout le monde ???
C’est l’eau froide, j’ai bien senti qu’elle me congelait l’estomac, sauf que là les gars c’est l’allure qu’il faudrait accélérer pas le transit !!!!

Des encouragements me sortent de ma réflexion digestive…Aller Camille !!! Tiens bon !!! t’es presque au bout !!! Je me dis qu’elle a de la chance cette Camille d’avoir autant de supporters !!!
Je tourne la tête à droite et là……
alerte à la bombe
Je passe en mode musique de comédie romantique et tête du loup de Tex Avery…
Je suis en train de doubler Camille Lacourt et il est beau comme un Dieu…même au 40ème, même au bout sa vie en train de marcher.
J’ai envie de lui dire, aller viens je t’emmène…mais la détermination est revenue et j’ai envie d’en finir. Je sais que la fin de course est en faux plat montant donc l’affaire n’est pas encore faite….

Je guette le panneau du 41ème, il est où ?? 
C’est encore loin ???? Les cons ils ne l’ont pas mis, ils ont juste dû mettre celui du 42 !!! Je fulmine, je trouve ça dégueulasse, à 100 euroballes le dossard ils peuvent bien mettre le bornage jusqu’au bout non ??? J’ai envie de porter plainte contre ASO.

Ah voilà, p**** c’est le 41 pas le 42 !!! Ils l’ont déplacé alors, je vois que ça !!! ou bien c’est en miles peut être ??? Mon dieu qu’il a été long ce kilomètre !!!

Maintenant c’est pilotage automatique, rien à foutre de rien direction porte Dauphine.
Au loin des acclamations, ça se rapproche, petit à petit elles deviennent de plus en plus fortes, comme ma douleur au ventre, mais je la mets de côté.
Les gens hurlent : 500m !!!
J’arrive sur le rond-point, virage à la corde mode formule 1, je vois enfin le panneau 500m.
Cette fois je m’autorise à regarder le chrono, juste pour mesurer l’ampleur des dégâts…
COOL !!! il y a encore moyen de faire mieux qu’à Barcelone il y a 3 ans, et beaucoup mieux que mon dernier Paris en 4H13 !!!
Je suis trop contente !! 
J’essaie d’augmenter la cadence mais je ne suis pas sure d’y être vraiment arrivée !!

L’arche est devant moi, je foule le tapis vert, je vais faire mon meilleur temps sur marathon, ça me prend à la gorge… je ne respire plus. J’arrête la Garmin.

4H04…je cherche une barrière pour m’appuyer, j’ai la tête qui tourne…je ne sais plus si j’ai mal partout ou nulle part…quelques sanglots arrivent… Je n’ai plus envie de rien à part pleurer et recommencer !!

Je retrouve des jaunes, mon mari, ils sont tous beaux et ont un sourire radieux, les endorphines, l’adrénaline font leur effet, je crois bien que je suis heureuse…

Mais mon dieu qu’est-ce que c’est dur le marathon !!!

2ème shoot d’endorphine quand en regardant le live on se rend compte que tous les copains vont finir !!

Cette aventure a été formidable, c’est bien plus qu’une course, j’ai encore appris sur moi…et puis ce groupe, cette journée, tout était parfait !!

C’est malin maintenant j’ai le blues !!!

Et merci Garmin pour les fous rire en regardant mon tracé GPS après la course.

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